• Sur fond de recherche, d’invitations et de pièces-jalons à présenter, s'engage l’écriture d'un (long) poème.
    Ce Poème est composé de plusieurs Chants.
    Ces chants donnent lieu à des chantiers, des chantiers d'eux-mêmes : matériaux divers (textes, documents, paroles, sons collectés, photographies et dessins, objets, etc) façonnés ou recueillis par PoulainJars, les artistes invités, et les nouvelles personnes rencontrées au fur et à mesure. L'écriture est donc un fil conducteur de la démarche, mais les "chants" débordent la dimension du texte et explorent d'autres médiums.
      

     

     

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    SAUVAGE VACANCE

    résidence

    Par Fabien Rimbaud, Léa Monteix

    septembre 2014           

     

    A Thiers, ville où nous vivons depuis deux ans,

    Ville fantôme ou ville fantasme.

    Ville de végétation.

    Passé non enfoui, ville ouverte, ville paysage.

    Ville désirée.

    Ville méprisée.

    Ville, décor, atmosphère.

    A notre arrivée un soir d’août, le sursaut de la forme, de l'allure, de l’atmosphère, la folle nature enjambant bourrée d’énergie ces bâtiments d’humains qui furent un temps tout aussi effrénés à la confection de quelque chose. L’impression double, telle un écho qui se répercute grâce au vide qui sépare d’une paroi : frénésie et sommeil, intensité du calme qui recouvre et embrasse celle de l’activité de l’homme. C’est comme si l’imagination n’avait pas de répit, dans ces lieux aussi désolés que saturés de vie. Dans ces conditions, l’on peut attendre de l’endroit qu’il nous livre quelque secret de fabrication, et quelque regard sur l’homme et son monde : qu’attend-t-on du travail humain ? Que percevons-nous de celui de la nature ? Et que nous avisons-nous de penser sur celui du temps ?

     

    Il s’agit de propositions certes underground, alternatives, sous le manteau, expérimentales…mais qui possèdent également une dimension tout terrain, une plasticité.

     

    Ville enlisée

    Ville cruelle

    Ville crachée

    Des entretiens sur la pluie.

    Des entretiens sur le beau temps.

    Des entretiens sur l’immigration.

    Mutuelle travail chômage couteau papier bruit politique problème, pouvant faire l’objet de la fabrication de « gri-gri », porte-bonheurs, et autres matérialisations superstitieuses.

    Et Décors.
    Des entretiens sur l’ennui.

    D’autres sur les saveurs et le goût.

    Thiers : une ville morte ? Son mouvement semble parfois faire des ronds (gracieux) dans une mémoire ancienne, dans une nuit de passé. Le jour, la « masse laborieuse » n’existe pas, les fantômes sont bien sagement invisibles, ce qui existe ce sont des files de voitures sur la plage en bas et des personnes qui errent dans les pentes, parfois dans un état de détresse qui, lui, est visible.

    L’espace n’est pas toujours plein de promesses, ou de sauvage vacance, il rappelle plutôt, parfois, la solitude et la sécheresse qui caractérise un lieu déserté non par les humains, mais par leur dialogue. Pas vraiment de modernité : le mouvement y est mal accueilli, mal vu, car il n’est pas habituel, la ville est courbaturée. Elle fuit vers le bas, vers les centres commerciaux. Elle fuit : peut-elle faire autrement, soumise à la gravité comme toute chose terrestre ? Et pourtant, l’homme l’avait voulue affrontant le vertige, prête à l’envol.

    Ville noire.

    L’ostinato des vestiges coexiste avec l’opiniâtreté des constructions nouvelles, de pavillons ou de centres commerciaux. Mais est-ce pour changer d’air que l’on construit un centre commercial ?

    La ténacité des vestiges. Le temps que ces bâtiments extraordinaires charment un investisseur.

    En posant nos affaires dans cette ville, nous nous inventons investisseurs, entrepreneurs, énergiques et intéressés, salivant devant le potentiel poétique, politique, générateur de pensée et d’émulation créatrice, de rencontres et de réflexion autour de la question du partage d’un sens, la question du lien entre les choses : y en a-t-il, n’y en a-t-il pas ?

    Ville dorée.

    Ville colère.

    Le couteau, aujourd’hui, scande la maison Chambriard, n’a pas aujourd’hui à se plaindre : le marché marche, et pour cause, il est infusé de savoir-faire, de qualité, de travail acharné, de fabrication française, voire de luxe. Un monde qui nage la tête, impassible, hors de l’eau. Sous l’eau, le plancton et les sirènes. La ville, mi-océan, mi-lac, théâtre de naufrages, lieu de tempêtes, vague charriant une multitude de vies, de brisures, de coquilles.

    Ville déguisée.

    La coutellerie n’est pas la ville, vice-versa. Au passé, peut-être, mais au présent, non. Le monde ouvrier : un patrimoine, une histoire, mais aussi un certain conditionnement. Labeur, esprit urbain, une insoumission conjuguée à l’amour de l’ordre, à un art de l’éducation. Culture qui attend le moment venu pour se délasser, se chanter peut-être.

    Dépasser pourquoi pas les limites discrètes et un rien sournoise du désir de distraction.

    Au fond, il est important de souligner que ce travail n’est pas celui du médecin, du fonctionnaire, de l’entrepreneur. Ce travail est « pour rien » et revendique un espace de jeu avec les limites entre le réel, le rêvé, le sensationnel, le banal… De façon modeste ou naïve comme on voudra, nous voudrions faire quelques essais abordant les problématiques qu’a soulevé et que soulève encore la ville où nous sommes, qui pour nous est absolument passionnante, cherchant à situer une recherche formelle, puisqu’il s’agira de musique, de gestes, d’écriture poétique, de situations, etc., au cœur de nos questions. Dans une volonté non pas de tourner autour d’elles mais, au contraire, d’en crever les contours.

    L’utopie ne se réalise que partiellement, même si elle échoue néanmoins elle prend corps. On peut la saisir avec nos sens. La mutuelle, la sécu c’est l’utopie de la solidarité et du collectif, façonnée par la réalité de l’injustice. La peur alors d’accepter et de pérenniser un système injuste. Puis l’expulsion de la peur, comme l’air des poumons.

    Ville miroir.

    Ville actuelle.

    Comme une immense sculpture ou une photo vivante, la ville se dépliera, on pourra la toucher.

     

     

     

     

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